Notre centre est heureux d’être associé avec les collègues du Groupe de Recherche sur les Éditions critiques en contexte Numérique (GREN) pour la remise de la deuxième bourse doctorale GREN-CRIHN d’un montant de 25,000$. Cette dernière est offerte à Mathilde Verstraete pour sa thèse « Pour une réception de l’Anthologie grecque à l’épreuve du numérique » sous la direction de nos membres Marcello Vitali-Rosati et Elsa Bouchard. Le résumé de la thèse est le suivant :
Mon projet de recherche s’insère dans le domaine des « Digital Classics », rencontre entre langues et lettres classiques d’une part, humanités numériques d’autre part. Je m’intéresse plus précisément à la réception de l’Anthologie grecque à travers les siècles et notamment aux récents impacts qu’ont les outils et développements numériques sur son étude.
L’Anthologie grecque est un recueil regroupant la poésie épigrammatique grecque issue de la période classique jusqu’à la période byzantine, soit près de 4 000 pièces, de 325 auteurs différents, résultat de seize siècles de littérature. Le corpus anthologique est le fruit de multiples reconfigurations et compilations. La dénomination « Anthologie grecque » fait d’ailleurs référence à la réunion de l’Anthologie Palatine (transmise par le manuscrit Palatinus 23 (940 apr. J.-C.)) et de l’Appendix Planudea (début du XIIIe siècle). Cette Appendix comprend les épigrammes absentes du manuscrit palatin mais présentes dans l’Anthologie de Planude.
Le manuscrit palatin est retrouvé assez tardivement, au début du XVIIe siècle, par Claude Saumaise, il a fallu attendre près de deux siècles pour en obtenir une première édition, celle de Brunck en 1772. Depuis, les travaux, commentaires, éditions, et traductions de l’Anthologie se succèdent (Jacobs, Dübner, Déhèque, Preisendanz…). Les collections classiques (Budé, Loeb,…) en produisirent des éditions critiques et traductions en langue moderne.
Jusqu’au XXe siècle, l’Anthologie suscitait l’intérêt des érudits et évoluait essentiellement dans le monde savant. Aujourd’hui cependant, le web permet une circulation plus large de ces contenus littéraires. Le texte grec a été numérisé et publié en ligne par la Perseus Digital Library tandis que la bibliothèque d’Heidelberg et la BNF mirent à disposition le manuscrit numérisé. Le projet « Pour une édition numérique de l’Anthologie grecque » — mené par la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques — en propose désormais une édition numérique collaborative, rassemblant sur une même plateforme l’image du manuscrit palatin correspondant à chaque épigramme, des traductions en plusieurs langues, des commentaires, et divers types de mots-clés.
Ce support novateur pour notre corpus étend incontestablement les possibilités de réception de l’Anthologie et pose plusieurs questions. Quelles sont les implications de cette rencontre entre un manuscrit vieux d’un millénaire et un site web ? Peut-on, aujourd’hui, éditer numériquement un texte sans en changer fondamentalement l’essence, et comment ? Si, comme le démontre Milad Doueihi, l’espace web correspond à un certain idéal anthologique, l’Anthologie Palatine elle-même y a‑t-elle sa place ? Dans cette logique, il est particulièrement intéressant de s’attacher aux hypertextes que renferme ce corpus. En effet, si la page imprimée, fixe, présuppose une lecture linéaire, la « page » numérique permet une lecture transversale, ouverte et aux multiples accès, qui est particulièrement à propos pour l’étude d’une œuvre anthologique.
Les lectures de l’œuvre évoluent et diffèrent donc selon le contexte de diffusion et le support de l’œuvre. Ce sont ces changements que j’étudierai, dans le but d’appréhender la multiplicité des réceptions de l’Anthologie Palatine au fil des siècles.
La boursière présentera son projet de thèse lors du notre colloque à l’ACFAS « Le numérique dans les sciences humaines » le 9 mai 2022.
Ce contenu a été mis à jour le 19 avril 2022 à 19 h 01 min.